Fatoumata Korika Tounkara

Épidémiologie, 2e cycle, Université Laval

Évaluation de l’association entre la violence physique, sexuelle et psychologique, le bris du préservatif et l’infection à VIH parmi les travailleuses du sexe au Bénin, Afrique de l’Ouest

En Afrique Sub-Saharienne, les femmes travailleuses du sexe (TS) continuent d’être la population la plus affectée par le VIH, fortement stigmatisée et marginalisée par la société. De ce fait, ces femmes sont une cible facile de violence perpétrée par différents hommes (police, clients, partenaires réguliers ou voyous) et on observe des violations  flagrantes de leurs droits fondamentaux. Des études ont montré le rôle potentiel de la violence dans la dynamique de transmission du VIH chez les femmes TS. Malheureusement, les études évaluant cette problématique n’ont pas été menées en Afrique et il existe très peu de données sur l'Afrique de l’Ouest. Notre étude s'est donc attachée à mesurer la fréquence de la violence physique, sexuelle et psychologique à l’encontre des femmes travailleuses du sexe et d’évaluer l’association entre la violence, le bris du préservatif et l’infection au VIH. 

Une surveillance de seconde génération (SSG) a été conduite chez les femmes TS en 2012 au Bénin. Une étude SSG vise principalement à la compréhension des tendances de l’épidémie du VIH et des comportements qui sous-tendent l’épidémie dans un pays. Elle permet également de mettre l'accent sur les sous-populations à risque. Une analyse multivariée de régression log-binomiale a été utilisée pour estimer les rapports de prévalence ajustés (RPa) du VIH et le bris du préservatif en lien avec la violence. Un score de violence a été créé pour évaluer le lien entre le nombre de différents types de violence (exemple violence sexuelle + violence physique) vécue par la femme TS et l’infection à VIH. 

Parmi les 981 femmes ayant participé à notre étude, la prévalence du VIH était de 20,4%. Au total, 17,2%, 13,5% et 33,5% des participantes ont respectivement été exposées à la violence physique, sexuelle et psychologique; 15,9% ont rapporté avoir eu au moins un bris du préservatif au cours des rapports sexuels de la semaine précédant notre enquête. Les RPa du VIH étaient respectivement de 1,45; 1,42; 1,41 chez les femmes exposées à la violence physique, sexuelle et psychologique. La prévalence du VIH augmentait progressivement avec l’augmentation du score de violence. Contrairement à la violence psychologique, la violence sexuelle et physique étaient fortement associées au bris du préservatif.

Nos résultats montrent que les femmes exposées à la violence avaient une prévalence élevée du VIH et le bris du préservatif agit comme un facteur intermédiaire potentiel de cette relation. Des études prospectives sont nécessaires pour confirmer ces associations. Cette étude permet toutefois de souligner l'importance d’intégrer la prévention de la violence dans les programmes de lutte contre le VIH/SIDA ciblant les femmes TS. 

Biographie

À la suite de l'obtention de son baccalauréat en biochimie et biotechnologie à l'Université du Québec à Trois Rivières, Fatoumata Korika Tounkaraa complété sa formation par deux maîtrises en biochimie et en épidémiologie à l'université Laval. Elle a effectué plusieurs stages au Mali au sein de l'Association de Recherche, de Communication et d'Accompagnement à domicile des personnes vivant avec le VIH/SIDA et du laboratoire Mérieux Mali. Ses champs d'intérêt  sont entre autres, la lutte contre la violence faite aux femmes et la santé des femmes en Afrique.